Maria da Penha : un exemple de courage et de persévérance

De la rédaction

25/11/2013 à 11:28, Lundi | Mis à jour le 22/09 à 16:57

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Maria da Penha Maia Fernandes

La Loi 11.340/06 est aujourd’hui une référence internationale dans la lutte contre la violence conjugale et familiale à l’égard des femmes. Cette conquête brésilienne doit beaucoup à la force et au courage de la pharmacienne biochimiste Maria da Penha Maia Fernandes. Avec persévérance, cette brésilienne, née en 1945 à Fortaleza, au Nord-Est du pays, a changé son destin, et par son exemple, celui de milliers d’autres femmes soutenues par la loi qui porte son nom. À Fortaleza, où elle habite, elle a reçu l’équipe de reportage de la revue BONNE VOLONTÉ pour un entretien sur l’histoire de sa lutte et les avancées d’une législation pionnière dans la combat contre la violence de genre.

BONNE VOLONTÉaprès six années de mise en œuvre de la Loi maria da Penha, que pouvons-nous célébrer ?

Maria da Penha — La société s’est emparée de la loi, elle sait que cette loi est venue pour prévenir et protéger les femmes contre la violence conjugale et punir l’agresseur. Il faut plus de commissariats de police spécialisés pour les femmes, de centres de référence d’accueil dans une situation de violence conjugale, de foyers-refuges où la femme qui ne peut pas rentrer chez elle, parce qu’elle est en danger de mort, puisse être à l’abri. Outre les tribunaux pénaux spéciaux pour les femmes, dont nous avons besoin en plus grande quantité, afin de rendre plus agiles les procès et la justice qui doit être rendue, pas comme dans mon cas, où il a fallu 19 ans et six mois pour que cela se produise.

BV — cette histoire s’est passée il y a presque 30 ans...

Maria da Penha — J’ai connu mon agresseur alors que j’étudiais à l’Université de São Paulo (USP) pour le master. C’était un étudiant colombien qui était venu faire une spécialisation à l’USP, une personne bien vue dans mon groupe d’amis (...). Quand je suis retournée à Fortaleza, après avoir terminé le master, il m’a suivie. Il se trouve qu’au cours de cette période, j’ai eu une fille de lui, c’est alors qu’il a réussi à se faire naturaliser. Quand il a obtenu cette garantie, il a montré son vrai visage.

BV — comment s’est passé votre appel à l’aide ?

Maria da Penha — En mai 1983, je dormais quand j’ai entendu un coup de feu... un bruit énorme dans la chambre, j’ai essayé de remuer et ne pouvais plus bouger. Et la version que mon ex-mari a racontée à la police et aux voisins, c’était que quatre cambrioleurs avaient pénétré dans notre maison et qu’il avait lutté contre eux. Je suis restée paraplégique, j’ai passé quatre mois à l’hôpital. Je suis rentrée à la maison, parce qu’au début je ne savais pas qu’il était l’auteur du coup de feu. C’est alors qu’il m’a maintenue emprisonnée pendant plus de quinze jours. (...) Je n’étais plus en mesure de continuer avec cette relation, mais il me fallait une documentation juridique, que l’on appelle la séparation de corps, pour pouvoir sortir de la maison en emmenant mes filles, parce que je risquais de perdre la garde des enfants. Avec le document j’ai pu partir avec mes filles et je suis retournée chez mes parents.

BV — À partir de là, il a été possible d’enquêter sur l’affaire ?

Maria da Penha — C’est entre mai et décembre [1983] qu’a eu lieu toute cette histoire. En janvier 1984, le Secrétariat à la Sécurité Publique [Police de l’État du Ceará] a repris le processus et l’a appelé à l’improviste pour donner un nouveau témoignage. Il ne se souvenait plus de ce qu’il avait dit, il a commencé à se contredire. À la fin, la police l’a inculpé comme auteur de tentative d’assassinat. C’est alors qu’a commencé ma grande lutte pour la justice, et mon agresseur n’a été arrêté que suite aux pressions internationales. Le premier jugement a eu lieu huit ans après les faits. Il a été condamné, mais quand il a quitté le tribunal il s’est retrouvé libre parce qu’il avait fait appel. Il est retourné devant le jury, à nouveau il a été condamné et a quitté le tribunal libre en raison d’un recours suspensif. Quand il a été finalement mis en prison, il ne restait que six mois avant que le crime ne soit prescrit.

BV — Où avez-vous obtenu un soutien pour que la justice soit faite ?

Maria da Penha — J’ai décidé d’écrire un livre Sobrevivi... posso contar [J’ai survécu... je peux raconter] avec cette histoire et toutes les contradictions présentes dans le procès. Cet ouvrage, grâce aux desseins de Dieu, est arrivé entre les mains de deux ONG : le CLADEM (Comité de l’Amérique Latine et les Caraïbes pour la défense des droits de la femme) et le CEJIL (Centre pour la Justice et le droit international), qui m’ont invitée à dénoncer le Brésil auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme de l’Organisation des États américains (OEA).


BV — La LBV traite de la question de la violence contre les femmes dans des campagnes, des programmes sociéducatifs et dans le contenu de l’enseignement de son réseau d’école...

Maria da Penha — Je félicite la LBV parce que je pense que l’éducation change tout. Si nous éduquons les enfants, notre société deviendra bien meilleure, je n’ai aucun doute à ce sujet. Je suis heureuse d’enregistrer une émission*¹ qui va atteindre des milliers et des milliers de personnes, non seulement des femmes mais aussi des hommes, des adolescents et des enfants. Nous ne pouvons avoir la Culture de Paix dans le monde, dans notre ville, qu’en commençant à la cultiver à la maison. Je reste toujours à votre disposition pour vous informer sur la Loi Maria da Penha. (...) Je tiens à féliciter l’école de la LBV ! Le cours de L’actualité en débat est une matière très intéressante.*²

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*1 Se réfère à l’interview récente qu’elle a accordée au Super Réseau de communication Bonne Volonté (radio, télévision, Internet et publications).

*2 Le cours de L’actualité en débat, matière créée par l’éducateur Paiva Netto invite les élèves à des activités de recherche et de discussion sur des sujets importants de la vie quotidienne, tels que la question de la violence conjugale et ce que détermine la Loi Maria da Penha.