Les droits des femmes à l’ordre du jour

Président de la 60e session de la CSW, l’ambassadeur Antonio Patriota souligne l’importance des femmes dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

De la rédaction

16/03/2016 à 10:58, Mercredi | Mis à jour le 22/09 à 17:04

Rick Bajornas/UN Photo

Antonio Patriota, ambassadeur du Brésil et président de la 60e session de la Commission de la condition de la Femme de l’ONU.

Depuis la création de la Commission de la condition de la Femme (CSW) en 1946, c’est la première fois qu’un représentant permanent du Brésil auprès des Nations Unies assume sa coordination. Élu à la présidence de la 60e session de la CSW, l’ambassadeur Antonio de Aguiar Patriota sait qui commande l’une des éditions les plus importantes de cette conférence. En effet, ce comité porte l’espoir de promouvoir les efforts pour qu’un jour l’égalité entre les sexes soit incluse dans tous les débats et les actions mondiales du Programme de développement durable à l’horizon 2030, aussi appelé Agenda 2030.

À quelques jours de cette réunion, qui aura lieu du 14 au 24 mars à New York, aux États-Unis, le diplomate a parlé dans une interview exclusive à la revue BONNE VOLONTÉ Femme de la création d’un segment ministériel  de la CSW, qui, pour lui, « permettra d’augmenter sa visibilité et de renforcer l’engagement politique des pays à haut niveau pour l’égalité entre les sexes ». Toujours selon le représentant du Brésil, cet engagement contribuera à l’autonomisation des femmes et donc à promouvoir la Paix et l’amélioration de la qualité de vie de toute la population planétaire.

BONNE VOLONTÉ Femme — Monsieur l’Ambassadeur, que signifie pour la mission du Brésil auprès des Nations Unies le choix de votre nom pour présider cette session historique de la CSW ? Quelle influence le pays peut-il apporter à cette rencontre ?

Antonio Patriota — C’est un honneur d’exercer la présidence de la CSW. Je suis sûr que mon élection a été le résultat du profil haut que le Brésil a adopté dans la défense des droits des femmes sur le plan international et national. Le Brésil apportera à la CSW son expérience dans la promotion des droits des femmes et un engagement fort vis-à-vis de l’égalité des sexes, l’autonomisation des femmes et la mise en œuvre du Programme d’Action de Beijing.

Giuliano Gomes/Seed

Au Brésil, les femmes sont plus scolarisées que les hommes et sont moins en retard scolaire par rapport à eux. 

BV — Comment voyez-vous la présidence de la CSW au moment où les Nations Unies s’organisent autour des Objectifs de développement durable (ODD), qui découlent de la Conférence Rio+20, pour laquelle vous avez été également en charge de la coordination ?

Patriota — La CSW60 aura un rôle-clé pour suivre et veiller aux engagements pris dans l’Agenda 2030 pour le développement durable en ce qui concerne l’Objectif 5 («Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ») et les autres objectifs. Le Brésil tient beaucoup à cet agenda, compte tenu du rôle de Rio+20, qui a établi une feuille de route pour l’adoption de ce dernier. L’Agenda 2030 constitue la base sur laquelle les gouvernements, la société civile, le secteur privé et le Système des Nations Unies orienteront leurs politiques et actions pour le développement durable pour les quinze prochaines années.

BV — En 2016, ce sera aussi la première fois que la session de l’ONU comportera un segment ministériel. Quels seront les changements avec cette nouvelle structure ?

Patriota — Les trois premiers jours de la prochaine session de la CSW seront consacrés au segment ministériel. Cela permettra d’accroître sa visibilité et de renforcer l’engagement politique des pays à haut niveau pour l’égalité entre les sexes. Dans le cadre du segment ministériel, il y aura un exercice de révision des conclusions de la 57e session, [réalisée] en 2013, sur l’élimination et la prévention de toutes les formes de violence contre les femmes et les filles. Les États membres de l’ONU pourront faire des exposés sur les principaux progrès obtenus dans la lutte contre la violence de genre et échanger sur les leçons à en tirer et sur les autres bonnes pratiques.

Harry Had

En reconnaissance de l’énorme potentiel pour la démocratie et pour la paix que les femmes représentent, trois femmes de premier plan ont reçu le Prix Nobel de la Paix en 2011. De gauche à droite, l’activiste yéménite Tawakkol Karman, la militante libérienne Leymah Gbowee et la présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf.

BV — Les ODD se rapportent à la recherche de la pluralité, quelle soit de genre, ou d’accès. L’autonomisation des femmes gagne-t-elle une plus grande force dans ce nouvel agenda mondial ?

Patriota — Très certainement. L’Agenda 2030 est basé sur la compréhension que l’on ne pourra pas parvenir à un développement durable si la moitié de l’humanité ne peut pas bénéficier des droits de l’homme dans toute leur plénitude. La réalisation de l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes sont des contributions essentielles à la progression de tous les objectifs du Programme de développement durable, dont les trois piliers sont économique, social et environnemental. L’égalité entre les sexes bénéficie à la société dans son ensemble et elle doit être encouragée à l’échelle mondiale.

BV — Au cours des dernières années, quels ont été les progrès les plus significatifs pour que cela se produise ?

Patriota — Au Brésil, il y a eu des avancées significatives en matière de législation, de politiques publiques et d’actions visant à promouvoir les droits des femmes. La Loi sur le Féminicide a transformé en crime n’admettant aucune libération sous caution l’assassinat de femmes pour des motifs sexistes. Elles sont également devenues les protagonistes des politiques d’inclusion sociale et les principales bénéficiaires des politiques des revenus. Une autre donnée à relever est qu’actuellement les Brésiliennes sont plus scolarisées que les hommes et qu’elles avancent sur le marché du travail. Dans aucun pays dans le monde, cependant, l’égalité entre les sexes n’a été atteinte. Le défi est la pleine réalisation de la parité des sexes et l’autonomisation des femmes d’ici 2030, comme le détermine le cinquième Objectif du développement durable.

BV — Au Brésil, outre les lois sur la question des femmes, en particulier la loi Maria da Penha, la mise en œuvre de nouvelles politiques publiques est-elle un moyen vu par le pays pour la promotion de l’égalité entre les sexes ?

César Ogata/Secom

Unité mobile du programme Femme, Vivre sans violence. Le véhicule consiste en un bus adapté pour réaliser des accueils d’urgence et de prévention s’adressant au public des femmes victimes de violence et compte une équipe multidisciplinaire formée pour l’écoute des dénonciations.

Patriota — La transversalité d’une perspective de genre dans les politiques publiques est cruciale pour parvenir à l’égalité entre les sexes, non seulement au Brésil mais aussi dans le reste du monde. Un bon exemple est le programme Mulher, Viver sem Violência « Femme, Vivre sans violence » [coordonné par le Secrétariat sur les politiques de la femme de la Présidence de la République du Brésil], qui vise à mettre en œuvre, de fait, la loi Maria da Penha. Les [unités] de la Maison de la Femme Brésilienne font partie de ce programme et offrent des services d’accueil aux femmes vivant une situation de violence. Avec une approche multidimensionnelle, ces unités offrent des services d’orientation pour le travail et les revenus, de promotion de l’entreprenariat, de la formation professionnelle et de l’insertion sur le marché de l’emploi. Un autre exemple de politique visant l’égalité entre les sexes a été la promulgation de la Proposition d’Amendement à la Constitution des employées de maison, qui a favorisé l’inclusion définitive de cette catégorie professionnelle dans le système de protection sociale, bénéficiant ainsi directement plus de six millions de Brésiliennes.

BV — Comment voyez-vous la participation des hommes dans la campagne #HeForShe d’ONU Femmes ?

Patriota — La participation des hommes dans la lutte pour l’égalité entre les sexes est absolument fondamentale parce que la société comme un tout doit se mobiliser pour mettre un terme à l’inégalité et à la discrimination dans ce domaine. Il faut faire prendre conscience aux hommes des inégalités et des injustices qui touchent les femmes. La présidente Dilma Rousseff soutient la campagne qui vise à amener les hommes au centre du débat sur l’égalité entre les sexes. Je profite de cette occasion pour inviter tous les lecteurs à se joindre à cette campagne. Tous les collaborateurs de sexe masculin de la Mission du Brésil auprès de l’ONU s’y sont déjà associés à travers le site www.heforshe.org.

Divulgação

Égalité entre les sexes — Les hommes diplomates de la Mission du Brésil auprès des Nations Unies soutiennent la cause et ont adhéré à la campagne de #HeForShe d’ONU Femmes. Selon l’ambassadeur Antonio de Aguiar Patriota (au centre, assis), « les concepts normatifs de masculinité et de féminité renforcent les relations de pouvoir verticales et inégales ». Le diplomate considère qu’il est « révolutionnaire d’engager les hommes et les garçons dans la discussion sur l’élimination des inégalités entre les sexes. »

BV — Les ODD doivent affecter le débat et la distribution des ressources. Peuvent-ils constituer un agent important de la coopération économique au cours des prochaines années ?

Patriota — On s’attend à ce que les Objectifs de développement durable, par leur caractère universel, c’est-à- dire, du fait qu’ils appliquent aux pays développés et aux pays en développement, galvanisent la coopération internationale. La CSW60 traitera justement de la nécessité d’augmenter les investissements dans l’égalité entre les sexes, en incluant la mobilisation des ressources nationales et en priorisant les actions en faveur de l’autonomisation des femmes et de l’augmentation de l’aide officielle au développement.

BV — Durant votre mandat à la tête de la Commission de consolidation de la paix de l’ONU, vous avez défendu, au nom du Brésil, l’égalité entre les sexes. L’autonomisation des femmes est-elle fondamentale pour la paix ?

Patriota — Oui. Il existe diverses études et des statistiques officielles qui illustrent l’effet transformateur de l’autonomisation des femmes pour le progrès social, la croissance économique et le développement dans les situations de post-conflit. La Commission de Consolidation de la Paix concentre son attention dans les pays dont les institutions et l’économie sont fragiles, parmi lesquels le Libéria, la Guinée-Bissau et le Burundi. J’ai pu vérifier personnellement en Guinée-Bissau combien les femmes représentent une partie pacificatrice de la population, parce qu’elles concentrent leurs aspirations dans la construction de sociétés justes avec un niveau de vie plus élevé pour les générations futures.