Les graves conséquences de la pollution et du changement climatique pour l’organisme humain

Paulo Saldiva

09/04/2014 à 10:47, Mercredi | Mis à jour le 22/09 à 16:07

Vivian R. Ferreira
Le médecin Paulo Saldiva, qui se bat pour la mise en place de moyens de transport moins polluants, utilise depuis de nombreuses années le vélo pour aller de chez lui à la Faculté de médecine de l’Université de São Paulo (USP), où il travaille.

La relation entre l’environnement et la qualité de vie de la population est le thème central de l’interview accordée par le docteur Paulo Saldiva, coordinateur du Laboratoire de pollution atmosphérique, de l’Université de São Paulo (USP), à BONNE VOLONTÉ. Selon lui, on se rend facilement compte de l’influence des facteurs environnementaux — physiques, biologiques et chimiques — sur la santé humaine, depuis les effets du temps perdu dans les embouteillages jusqu’à une série de maladies qui peuvent découler de situations quotidiennes dans les mégapoles, comme le bruit, la pollution de l’air et même des maladies facilitées par les changements climatiques.

Le médecin a commenté les mesures importantes indiquées dans la « Charte de recommandations en matière de santé, São Paulo, C40 2011 »1, préparée par la Faculté de médecine de l’Université de São Paulo, résultat d’un partenariat entre le Comité local de gestion de la C40, la coordination de la Quadrilatère Santé/Droit de l’USP et l’Institut Santé et Durabilité.

Dans le document, les scientifiques montrent que la plupart des mesures de lutte contre le réchauffement climatique se traduisent en co-bénéfices immédiats pour la santé de l’être humain. Le travail présente également des données alarmantes concernant la ville de São Paulo, applicables à différentes villes dans le monde confrontées à des problèmes graves provenant d’un progrès désordonné. Dans l’étude réalisée par le Dr Saldiva en 2010, on arrive à une estimation préoccupante : « Les niveaux de pollution de São Paulo provoquent environ 4 000 décès par an et une réduction de 1,5 année de la durée de vie (...), avec un coût financier qui, en fonction de la métrique, peut aller de quelques centaines de millions à plus d’un milliard de dollars par an (...) »

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Pour remédier à cette santé fragilisée, le médecin et chercheur préconise des investissements en aménagement urbain, transports en commun et assainissement de base, exigeant des autorités des actions intégrées entre les ministères et les secrétariats. « Ce qu’il manque, c’est de créer un peu la société protectrice de l’homme. Cet être humain qui vit à la périphérie, qui a besoin de se réveiller tôt pour aller travailler, qui est bousculé dans des transports publics inadéquats, qui subit les conséquences des vagues de chaleur et d’une humidité faible ou quand il pleut, qui doit entrer dans des torrents d’eau pour sauver ses biens ou reçoit une grande dose de polluants », alerte-t-il.

Pour le Dr Saldiva, cette action multisectorielle et intégrée en faveur de la santé publique est urgente. Dans le cas de São Paulo, il alerte que la pollution dans la ville tue plus que le SIDA et la tuberculose, et il existe une grande différence dans l’analyse de ces cas et dans leur résolution. « Si j’invente un remède à ces maladies, personne ne sera contre, mais si on discute qui va utiliser la rue, le bus ou la voiture, quel type de carburant...? Chacune de ces décisions implique des milliards de dollars d’affaires. Par conséquent, vous avez besoin de gestion, et il faut tempérer cette décision avec les connaissances scientifiques. »

D’autres dispositions nécessaires qui dépendent de l’effort conjoint de différents domaines sont énumérées par le spécialiste. « Il existe des mesures pour lutter contre le changement climatique, réduire les émissions de gaz à effet de serre, qui apportent des cobénéfices immédiats pour la santé humaine. Lorsque, par exemple, on crée une ligne de métro, on imagine que l’on gagne seulement du temps, mais c’est beaucoup plus que cela : on économise environ 350 000 barils de pétrole par an, chaque baril étant à 120 dollars, c’est beaucoup d’argent. Les gens peuvent dormir plus, ils gagnent en santé, il y a une réduction du bruit en surface et de la pollution dans les couloirs de bus. L’économie correspondant à chaque ligne de métro à São Paulo tourne autour de 100 millions de dollars par an, c’est-à-dire, elle est payée avec le temps et les co-bénéfices pour la santé ».

Selon le chercheur, il est essentiel d’établir une « politique de transport actif », par exemple, avec des pistes cyclables qui soient accessibles principalement à la population à faibles revenus, qui dépense une partie substantielle de son salaire dans les transports en commun. « Cela va aussi les amener à faire des exercices, à réduire l’obésité, qui est endémique », ajoute-t-il.

Les défis des grandes villes

Le Dr Paulo Saldiva nous rappelle qu’une bonne partie des grandes villes du monde ont cessé de produire des biens pour vendre desservices. « Donc, il y a des écoles, des commerces, du mouvement, et elles ont grandi de façon explosive, sans créer de structure adéquate en termes de logement, d’assainissement et de mobilité. Dans ces régions, le problème de la pollution vient des véhicules, mais il existe d’autres questions très sérieuses qui affectent la qualité de vie : la désertification des villes, l’augmentation de la pollution, et les déchets qui produisent des émanations et attirent une série de maladies. »

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Pour le médecin, après avoir fait un relevé des questions pertinentes au bien-être collectif — comme les conséquences du fait de ne pas pouvoir marcher dans la rue, du fait que les enfants ne jouent pas parce que l’espace est réservé à la circulation des voitures, et du fait de retirer de la grande ville le fleuve et les parcs linéaires et bétonner les avenues avec des voies secondaires, qui éloignent le citoyen d’un bien naturel — on peut réfléchir au type de ville que tous le monde souhaite. « Et je ne parle pas seulement de l’esthétique ; nous réagissons à notre environnement... s’il est bon, nous aurons une meilleure réaction. Cela concerne l’éthique, la dignité humaine, la promotion de la santé ».

Les bonnes initiatives en matière de transport

Les données obtenues dans les villes de Londres (Royaume-Uni) et New Delhi (Inde) indiquent une réduction de la sédentarité et de la concentration locale de polluants obtenue à partir de mesures visant à encourager la mobilité active, comme le cyclisme et la marche, et l’adoption de moteurs à faibles émissions de carbone (Woodcock, 2009). Dans le cas de la capitale britan nique, on a estimé à un taux entre 10% et 20% la réduction de l’incidence de maladies cardiaques et d’ischémie cérébrale, une réduction de 12% à 13% pour le cancer du sein, 8% pour la démence et 5% pour la dépression. Dans la capitale indienne, les projections indiquent une diminution de 11% à 25% du signalement de maladies cardiaques et cérébrovasculaires et une réduction entre 6% et 17% des dépenses pour le diabète.

Encourager la mobilité active — Dans diverses régions du monde, l’utilisation de bicyclettes a permis de réduire la sédentarité et la concentration locale de polluants. De bons exemples de cette attitude, qui concerne la santé et l’environnement, peuvent être trouvés à (1) New Delhi (Inde) et (2) Londres (Royaume-Uni). Cette dernière présente également des lignes de métro efficaces, des moyens de transports en commun utilisant des sources d’énergie plus propres.

(Source : « Charte de recommandations en matière de santé, São Paulo, C40 2011 »).

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1 La « Charte de recommandations en matière de santé, São Paulo, C40 2011 » a été remise pendant le Sommet du C40 Large Cities Climate de São Paulo, réunion internationale qui s’est tenue l’année dernière, du 31 mai au 2 juin. Dans cette quatrième édition de 
la rencontre, les maires et les représentants des plus grandes métropoles dans le monde ont échangé leurs expériences et discuté des 
actions visant à combattre et à s’adapter aux effets du changement climatique qui peuvent être adoptées par les gouvernements locaux.